Une nouvelle fois, la sécurité nationale américaine se voit mise à mal sur internet: après l’enquête du Washington Post, le NY Times a relayé hier soir des extraits de plus de 91.000 documents confidentiels obtenus par Wikileaks. Il s’agit là d’observations de terrain pour la plupart, ayant trait au conflit afghan durant la période allant de 2004 à 2009. La presse voit en celles-ci une des fuites d’information les plus importantes de l’Histoire des Etats-Unis.
Evidemment, la première victime de cette fuite est la diplomatie: ces documents ont jeté les gouvernements concernés dans l’embarras, alors que Washington essaie d’influencer Islamabad, notamment par l’entremise du Général Petraeus. Les documents pointent en effet du doigt la dualité du Pakistan -dont les services secrets soutiennent les insurgés alors que le gouvernement tente d’aider l’ISAF; l’action subversive de l’Iran ; le nombre réel de victimes collatérales en Afghanistan et la corruption omniprésente au sein du gouvernement Karzai. Bien entendu, ils relatent les difficultés de l’armée américaine, puisque la période 2004-09 fut celle pendant laquelle les Talibans se sont progressivement renforcés.
Husain Haqqani, Ambassadeur du Pakistan à Washington, a ainsi déclaré que ces informations “ne reflètent pas la réalité du terrain tels que nous la connaissons“. De son côté, le porte-parolat de la présidence afghane a affirmé étudier avec attention “les cas de pertes civiles démenties et des services de renseignement pakistanais“.
Certains crient au scandale: selon eux, la réalité serait bien plus sombre que celle donnée par la version officielle. Pourtant, ce qui ressort de ces documents ne surprendra aucun expert ou lecteur assidu des revues spécialisées en politique étrangère. Comme le dit Max Boot sur le blog de Commentary : “Personne ne nie que le conflit afghan était, à cette époque, sur le point d’être perdu“. Pour la plupart, les témoignages contenus dans les documents ne sont un secret pour personne. Nous avions dÂ’ailleurs déjà évoqué sur ce blog les difficultés à traiter avec Islamabad et les critiques formulées à lÂ’encontre du gouvernement Karzai par Ann Marlowe, Visiting Fellow à lÂ’91ÆÞÓÑ Institute et spécialiste de lÂ’Afghanistan. Les vélléités hégémoniques du régime de Téhéran ne font non plus aucun doute.
Ainsi, en réalité, la seule information qui ressort de ces 91.000 documents est l’utilisation par les insurgés de lance-roquettes sol-air, identiques à ceux qui sont parvenus à abattre des dizaines d’hélicoptères soviétiques dans les années 80 mais qui, à n’en pas douter, s’avèrent aujourd’hui moins efficaces.
Il est néanmoins à craindre, malgré leur valeur ajoutée en réalité très relative, que ces secousses médiatiques n’alimentent une nouvelle fois les argumentaires de l’opposition à la présence alliée et américaine en Afghanistan. Il va sans dire qu’un abandon ou du moins un renouveau de laxisme, possible par un manque de compréhension de la situation afghane, rendrait ce pays aux Talibans et à Al Qaeda, qui pourraient s’y réinstaller définitivement.
Plus encore, on en vient encore à regretter le traitement cavalier que certains ont à l’égard d’informations classées défense. Comme nous l’avons déjà affimé il y a quelques jours à propos de l’enquête du Washington Post, il est fâcheux que des sujets aussi sensibles soient traités avec autant de légèreté et soient autant de signaux envoyés à ceux qui veulent porter atteinte à l’Occident.