Avec une capacité militaire en constante augmentation, une croissance économique surprenante et une population quatre fois plus importante que celle des Etats-Unis, la Chine contemporaine émerge comme la superpuissance du XXIème siècle. Son rôle, déjà très actif dans les affaires internationales, ne pourra que s’affirmer et la question qui doit aujourd’hui être considérée est celle du chemin qu’elle va prendre.
Deux nouveaux ouvrages, rédigés par et , Senior Fellows de lÂ’91ÆÞÓÑ Institute, explorent lÂ’histoire de la Chine afin d’éclairer ces directions potentielles. Horner et Ford considèrent tous deux comment les leçons tirées du passé peuvent être interprétées par les gouvernants dÂ’aujourdÂ’hui, qui recherchent à la fois à réagir et à forger la nouvelle position de la Chine.
Dans L’Esprit de l’Empire, Ford explore la vision changeante que la Chine a d’elle-même et de son rôle dans le monde, en tenant compte de sa forte sensibilité à la continuité et à la tradition. Ford voit dans l’ère des royaumes combattants, antérieure à l’unification de la Chine en 221 av. JC, le paradigme par lequel s’est développée une vision hiérarchique de l’ordre politique. Selon Ford, «la tradition chinoise a, pour premier modèle de relations interétatiques, un système dans lequel le centre de la politique nationale est en fait une lutte pour la suprématie ». C’est une tradition qui exclut toute relation étrangère ne renforçant pas la perception qu’a la Chine de sa propre suprématie politique, militaire et morale.
Dans L’ascension de la Chine et son destin post-moderne, Horner examine le renouveau d’intérêt et le changement de perception à l’égard de trois dynasties : Yuan (1272-1386), Ming (1368-1644), et Qing (1644-1912). Ce sont ces dynasties qui ont fourni un modèle d’interprétation historique aux gouvernants actuels du Parti communiste chinois. La question fondamentale que se pose alors Charles Horner est de savoir jusqu’à quel point l’image et l’apparence de la Chine contemporaine sont influencées par la vision de ces grandes périodes historiques.
L’étude historique de ces dynasties a considérablement évoluée. Par exemple, Horner souligne que la dynastie Huan était décrite, il y a encore une génération, comme étant d’origine mongole. Aujourd’hui, celle-ci est vue comme ayant intégré la Chine dans un véritable système mondial, un système fait de nombreuses et grandes cultures et traditions. Aussi, il s’y développait une grande ambition stratégique. Elle recherchait à accroître son influence vers l’Asie centrale et le Sud-Est, mobilisant pour cela d’importantes armées et armadas. D’ailleurs, l’intérêt porté par les experts du parti communiste chinois à cette époque, durant laquelle la Chine a joué un rôle hégémonique régional, est perçu avec nervosité par de nombreux voisins. Cependant, Horner pense que ces peurs n’ont pas lieu d’être, au moins sur le court terme : la Chine, avant qu’elle ne soit en mesure d’envisager une hégémonie régionale traditionnelle, par des moyens militaires, devra d’abord renforcer son assise à échelle nationale.
Alors que la Chine se retrouve au bord d’une urbanisation et d’une croissance économique sans précédent, Horner rappelle que ces avancées auront des coûts qui pourront empêcher le pays de poursuivre une grande ambition stratégique outre-mer. Ford suggère aussi de ne pas prendre pour acquises la nature unitaire et l’existence même du PCC. Selon lui, « il y a eu bien trop de périodes de désunion, à la fois longues et tumultueuses, dans l’histoire chinoise pour ignorer la possibilité qu’elles adviennent de nouveau ». Cependant, en analysant l’histoire chinoise, Ford la voit devenir de plus en plus confiante. Ceci serait la conséquence de la « hiérarchie sinocentralisée » que leur propre histoire apprend aux Chinois à la fois à exiger et demander. Toute autre direction serait, selon lui, une aberration.
La difficulté affrontée par les deux auteurs est liée au fait qu’il est difficile d’appliquer les leçons tirées du passé à l’avenir potentiel de la Chine, alors que ce pays se retrouve aujourd’hui dans une situation sans précédent historique. Un des thèmes clé que Horner soulève dans son introduction, et qui est en effet un aperçu pertinent de la psyché contemporaine de Beijing, est que les premiers travaux sur la Chine (écrits à la fois par des chercheurs occidentaux ou chinois) sont nés dans un contexte historique d’échec, à la fois chaotique et confus. Les chercheurs contemporains chinois, néanmoins, ne sont pas embarrassés par de tels pressentiments. Un sens d’incertitude nationale, où les perspectives sur l’avenir apparaissaient sombres, a aujourd’hui été remplacé par une importante littérature sur la confiance et par un respect pour les vertus et traditions chinoises.
Un des désaccords les plus intéressants entre Horner et Ford se trouve dans les moyens plutôt que les fins. Apparemment, les deux auteurs s’accordent sur le fait qu’à un certain point, la Chine recherchera un rôle plus dominateur dans le monde. Cependant, comme Horner l’envisage, ”les problèmes posés à la Chine aujourd’hui par l’hégémonie américaine seront par eux-mêmes résolus, alors que la primauté américaine s’estompe lentement mais surement”. La Chine n’aurait ainsi aucune raison à construire une armée afin de rivaliser avec la capacité militaire des Etats-Unis. La lecture chinoise de l’histoire suggère que la patience et la diligence seront récompensées, pendant qu’une politique étrangère interventionniste amènera les Etats-Unis sur le même chemin auto-destructeur emprunté par l’Union soviétique. Une telle politique est peut-être concomitante avec la très nouvelle confiance intellectuelle émanant de Beijing.
Aujourd’hui, les maîtres chinois définissent leur pays comme un libre-marché socialiste avec des caractéristiques chinoises. Selon les vues de Charles Horner, il serait opportun de s’imaginer « un tigre aux rayures constamment changeantes » et ceci est une conclusion que les deux auteurs partagent. L’histoire de la Chine n’est pas moins immuable que son présent. Le lecteur sera peut-être ainsi laissé à une conclusion insatisfaisante mais néanmoins réaliste, selon laquelle la Chine aura tendance à demeurer ce qu’elle a toujours été : une énigme.
vec une histoire qui est constamment réinterprétée et adaptée, des prédictions solides sur l’avenir de la Chine ne sont malheureusement pas encore à l’ordre du jour. Pourtant, la lecture comparée des ouvrages de Ford et Horner offrira une vision à la fois nuancée et complète de cet avenir.