L'accord sur le plafond de la dette pourrait bien avoir des conséquences dramatiques. Bien sûr, la décision de Standard & Poor's de retirer à la dette publique américaine son « triple A » ajoute au climat anxiogène et à l'instabilité des marchés et il devient primordial de rendre les finances américaines plus saines. Cependant, la sécurité nationale pourrait bien devenir une victime collatérale des réductions drastiques du budget fédéral.
600 billions de coupes budgétaires supplémentaires
Déjà réduite de 400 billions de dollars entre 2008 et 2010, celle-ci pourrait êtreautomatiquement restreinte de près de 500 billions de dollars – et de 100 billions pour la seule année fiscale 2013 – si la commission bipartisane, qui doit rendre son verdict avant Thanksgiving, ne parvient à aucun accord. Cette coupe s'ajouterait à la décision déjà entérinée par l'administration et le Congrès de réduire le budget, dès l'année prochaine, de près de 30 billions de dollars et de 330 à 350 billions sur la prochaine décennie.
Certains estiment en effet que le seul moyen d'atteindre cet objectif serait de couper drastiquement dans le budget des programmes de recherche et de développement de nouvelles technologies – par exemple, la modernisation du chasseur F-22 – et le volume de troupes en activité.
La conséquence inévitable serait alors une force armée à la fois réduite et moins capable.
Bien sûr, certaines dépenses peuvent être rationnalisées. Tom Donnelly et Gary Schmitt, de l'AEI, envisagent ainsi dans The Weekly Standard une refonte de TRICARE, le plan de santé du Pentagone. Aussi, les considérations stratégiques à plus long terme devraient permettre une meilleure allocation des ressources: par exemple, les Etats-Unis ont-ils besoin d'investir dans la contre-insurrection alors que les prochains défis pourraient exiger davantage de moyens conventionnels? Par la force des choses, le congrès sera peut-être amené à répondre à cette question stratégique essentielle.
Mais une règle d'or devrait primer en matière de sécurité : la stratégie se doit de précéder toute considération budgétaire. Il est à craindre que les Etats-Unis, engagés en Irak et en Afghanistan, et dans l'incertitude des velléités iraniennes ou chinoises, ne peuvent s'accorder un tel luxe. Et cela est sans compter les défis inattendus qui pourraient émerger du Printemps arabe – l'intervention en Libye montre que l'Occident en général et l'UE en particulier ne peuvent se passer de l'Amérique.
Faucons du déficit ou de la défense ?
La décision finale reviendra au « super comité » composé de douze membres du Congrès. Déjà , les craintes se font sentir à droite de l'échiquier politique. En effet, le problème est simple : il suffirait qu'un Républicain se joigne aux six Démocrates, plutôt enclins à couper le budget de la défense, pour que celui-ci soit réduit à une peau de chagrin.
Les représentants du GOP viennent d'ailleurs d'être sélectionnés : les Sénateurs Jon Kyl (Arizona), Pat Toomey (Pennsylvania) et Rob Portman (Ohio) et les Représentants Job Hensarling (Texas), Fred Upton et Dave Camp (Michigan) ont été désignés pour siéger dans cette commission.
La droite américaine s'est immédiatement scindée à l'annonce des nominations. Par exemple, la revue très conservatrice Human Events vient de publier une critique lapidaire: « ils ne sont pas les inconditionnels du Tea Party que nous avions espéré. » Prenant une position contraire, Alana Goodman écrit dans Contentions, le blog de la revueCommentary, « quand les Démocrates qualifient de « preneurs d'otages » les Représentants Républicains, il ne s'agit pas de ceux-ci ».
Jon Kyl est peut-être le plus ardent défenseur de la sécurité américaine au Sénat. Il a d'ailleurs récemment exprimé ses craintes de voir le budget de la défense coupé. Le Sénateur Toomey, qui siège dans le caucus de la garde nationale, est aussi connu pour être un protecteur de la capacité militaire américaine. Rob Portman, quant à lui, s'est illustré en s'opposant à la fermeture de la Wright Patterson Air Force Base, un des principaux laboratoires et centre de renseignement de l'armée de l'air. Fait intéressant, aucun d'entre eux ne jouera son siège à court terme – Kyl ne se représentera pas, tandis que Toomey et Portman attendront 2016. Reste à savoir si cela les incitera au compromis ou à tenir leurs principes. Par contre, John Boehner, le leader républicain de la chambre des Représentants, n'a choisi aucun membre du Comité des services armés.
L'issue des négociations est donc pour le moins incertaine. En définitive, espérons que tous auront à l'esprit la sagesse des auteurs du Fédéraliste : l'Union n'a de sens que si elle est en mesure de répondre « aux dangers de la force et de l'influence étrangère.» Depuis 1787, la géopolitique n'a pas tant évolué: l'Etat fédéral, et l'exécutif en particulier, se doivent toujours d'avoir les moyens de leur mission.