C’est mon premier voyage en Israël depuis trois ans, et je suis particulièrement frappé par la confiance et la vitalité économique du pays.
La menace journalière du terrorisme, qui pesait à chaque heure depuis la deuxième Intifada, est désormais moins importante, grâce à la barrière de séparation et à l’efficacité des services de renseignement israéliens en matière de prévention des attentats. Un restaurant dans lequel j’ai mangé à Jérusalem, où sept personnes avaient été tués en 2003, n’effectuait aucun contrôle a l’entrée. Mais l’amélioration de la sécurité reste relative, le pays étant menacé par les poussées extrémistes à Gaza et en Cisjordanie, ainsi que les projets de bombe iranienne.
Dans un tel contexte, et avec une récession mondiale pour toile de fond, la croissance économique d’Israël, qui devrait atteindre 4 pour cent du PNB en 2010, est frappante. Partout, des nouveaux bâtiments émergent du sol. Des villas de luxe et des autoroutes sont construites. Comment Israël est t-il devenu si riche?
L’abandon du socialisme de ses pères fondateurs, et l’orientation de l’économie vers une économie de marché bien moins réglé que ses concurrents expliquent ce quasi miracle économique.
De surcroit, Israël est devenu un véritable incubateur pour les hautes technologies, le développement de logiciels, la nanotechnologie et la biotechnologie, comme le soulignent Dan Senor et Saul Singer dans Start-up Nation : The Story of Israel’s Economic Miracle. Dans ce livre, ils examinent comment un pays comprenant seulement 7,1 millions d’habitants, entouré d’ennemis et constamment en guerre, dépourvu de ressources naturelles, a pu attirer près de 2 milliards de capital-risque en 2008. Soit autant que le Royaume-Uni et ses 61 millions d’habitants, ou la France et l’Allemagne réunies.
Selon Senor et Singer, les raisons expliquant cela sont diverses. Tout d’abord, le manque de hiérarchie en Israël, nécessaire afin de répondre rapidement aux changements technologiques, y est pour beaucoup. Les Israéliens disposent également d’une capacité à travailler ensemble et sous des pressions énormes, héritée du service militaire.
Leur analyse a reçue un très bon accueil en Israël, au point que le président Israélien Shimon Peres en a fait la base de son discours à la conférence de Herzliya, mardi soir. En citant le rôle des entrepreneurs israéliens et en évoquant l’impact de Google et de Microsoft sur l’économie mondiale, Peres a examiné la dynamique de la mondialisation, destinée, il l’espère, a transformer non seulement les démocraties, mais également les régimes autoritaires dans le monde arabe et au-delà . Il semble ainsi renouer avec sa conception d’un Proche-Orient organisé en marché commun, stimulé par la coopération économique et les technologies de pointe. Son rêve d’un « New Middle East » s’était écroulé dans l’Intifada, témoignage du refus des dirigeants palestiniens à l’idée de coexister paisiblement avec Israël. Mais le Shimon Peres de 2010 n’est pas pour autant le rêveur de 1993. La réalité est bien trop inquiétante, comme le montre la partie importante de son discours dédiée a la menace iranienne.
Dans le même temps, l’attitude de Salaam Fayyad, le Premier Ministre palestinien, qui s’est adressé aux Israéliens à Herzliya, marque une profonde rupture avec celle de Yasser Arafat, et de même Mahmoud Abbas. Docteur en sciences économiques de l’université du Texas, Fayyad a exprimé son désir de mettre en place les infrastructures nécessaires aux Palestiniens afin qu’ils soient en mesure de gouverner leur propre Etat. Son programme de relance économique semble fonctionner. En 2009, la croissance économique de la Cisjordanie a été de 7 pour cent. Plusieurs facteurs expliquent cela, tel le retour des touristes a Bethlehem, et autres sites importants. La création d’un Etat de droit (rule of law) ainsi que la sécurité ont favorisés le bon fonctionnement de l’économie. Ayant moins peur, les Israéliens ont encouragés la circulation dans la région.
Il faut néanmoins garder a l’esprit que si la croissance économique constitue un préalable a la paix, elle est loin d’être suffisante. Afin d’achever le rêve lointain d’une paix entre Israël et les Palestiniens, il est nécessaire que l’extrémisme et l’incitation anti-israélienne prennent fin. L’exemple de l’Arabie Saoudite démontre que des richesses peuvent exister dans un climat d’intolérance religieuse.
Le vrai problème est paradoxal. Il s’agit créer une souveraineté politique libérale mais forte, ouverte au dialogue et à l’idée de coexister avec Israël. Mais dans le même temps, il faut que cette souveraineté puisse contrôler, sinon écraser, l’extrémisme qui sévit à l’intérieur du territoire palestinien, afin de créer une culture politique et religieuse davantage tolérante. Mais au vu de l’état actuel de la culture palestinienne et de l’opposition du Hamas, du Hezbollah et du Fatah à Fayyad, le chemin à parcourir est encore long.